dimanche 10 avril 2011

Le printemps arrive. J'ai déjeuné hier au café du village avec les enfants. Je dis "le" café parce que pour moi, il n'y a qu'un seul café au village qui représente le coeur vivant de Sutton. Je discutais avec un des propriétaires à propos de la date à laquelle ils remettraient en place la terrasse, en vue de l'arrivée des beaux jours. À partir de ce moment, il deviendra à peu près impossible de traverser le village sans par le fait même traverser la terrasse du Cafetier. Sa terrasse, contrairement aux autres terrasses du village, s'étend alors jusqu'aux limites du trottoir, est ouverte sur la rue et se trouve bondée de mi-avril à fin septembre. Il va de soir à partir de ce moment, de s'arrêter en passant par là pour saluer une connaissance qui y prend du bon temps, voire y commander un café pour emporter. Il devient alors plus que palpable que ce café est au coeur du quotidien charmant et vibrant de Sutton.

La grande allée bordée de colonnade est à la basilique Saint-Pierre de Rome ce que la terrasse est au Cafetier de Sutton! La construction de cette allée majestueuse, qui étend à ciel ouvert l'architecture de la basilique sur plusieurs centaines de mètres devant sa façade, rend impossible le fait de traverser cette partie de la ville sans par le fait même traverser l'allée et la place, en se retrouvant pour un moment comme porté "dans les bras de l'Église". Astucieux aménagement qui déploie physiquement la présence du sanctuaire religieux dans le quotidiens des romains, et du coup les enveloppe de sa présence dans des moments qui initialement n'étaient pas voués au culte.

De la même façon à Sutton, aller acheter des timbres au bureau de poste ou un pain à la boulangerie, se fait avec le plaisir de se faire attraper par la terrasse du coeur social du village, et ce, à partir de la semaine prochaine, pour tout l'été...
La contre réforme de l'Église au 16e siècle a vu toute une révolution prendre forme au sein de son organisation. L'an dernier, au travers de mon implication au sein du conseil d'administration de la pré-maternelle que fréquentait mon plus jeune garçon, un mouvement semblable s'est produit, donnant lieu à des étapes et implications similaires.

L'Église était présente depuis bien plus de 1000 ans au sein de la société européenne lorsqu'elle s'est vu contredire par le mouvement protestant au 16e siècle. En effet, une partie de ses fidèles s'est alors mis à reprocher à l'église catholique de n'avoir pas assez de validité, pour ensuite quitter ses rangs au profil du protestantisme. Le conseil de Trent (1548-1563) est alors créé pour réécrire les règles et les bases du catholicisme. Un retour aux sources pour vérifier la validité de leurs propos est ainsi mis en branle pour ré-accorder l'authenticité des bases de l'Église. Se fait alors ressentir le besoin de répandre la bonne nouvelle pour retrouver des fidèles et des ordres de missionnaires sont créés entre autre à cet effet. Tout ce mouvement interne, créer par une partie de ses propres fidèles, est l'occasion pour l'Église catholique d'opérer un important examen de ses sources, mais aussi de s'ajuster avec les valeurs du monde et de l'époque qui l'entoure.

Ainsi, l'organisme duquel je faisais parti l'an dernier vécu une remise en question qui pris sensiblement la même tournure.

L'origine de la crise...
Cette pré-maternelle "privée", structurée sur les bases d'un organisme sans but lucratif, existait depuis 30ans exactement, et servait au départ les familles anglophones de Sutton. La clientèle à évoluée avec les années, est devenu plus francophone. Les besoins des familles ont donc changé aussi, et une partie d'entre elles se sont mises à fréquenter les garderies à 7$. L'année dernière en à été une de crise. Les enfants quittaient les uns après les autres, des plaintes étaient formulées par les parents, insatisfait, et du coup, la situations financière de la pré-maternelle devenait de plus en plus précaire. Les garderies à 7/10$ (CPE) des environs roulaient toutes sur liste d'attentes alors que seulement la moitié des places disponibles étaient comblées chez nous.

Le plan d'action...
Le conseil d'administration a dû se pencher sérieusement sur la situation. Nous avons tout d'abord été chercher l'aide d'une consultante extérieure du CLSC qui nous a activement aidée à créer des outils et des pistes de solutions. Après avoir procédé à une évaluation en détail de nos éducatrices, puisqu'il y avait eu des plaintes à leur sujet, afin de faire certaines recommandations de façon constructive, elle nous a aidé à écrire une charte de nos valeurs et règles de bases, basées à la fois sur les valeurs des parents recensés et à la fois sur la charte du CPE voisin, une valeur sûr. Il nous serait plus facile par la suite, lors de conflits ou de plaintes, de s'en remettre à une référence précise, élaborée selon des besoins et volontés réfléchis et validées par des instances crédibles et pertinentes. Nous avons mis en place certains outils de communication avec les parents afin de prendre le pouls de leur satisfaction plus facilement.

La bonne nouvelle à répandre...
Le point important après avoir réglé la crise interne, a été de chercher comment faire savoir à la communauté environnante que des changements importants et positifs avaient eu lieu dans notre organisme et qu'il y avait lieu d'espérer beaucoup plus de satisfaction de la par des usagers présent et futur. Divers outils ont été ciblés en comptant aussi sur le bouche à oreille pour nous refaire du crédit. Cela nous assurerait le retour d'une clientèle plus nombreuse et donc d'une situation financière à nouveau stable.

Tout comme l'Église a su reaffirmer son essence en traversant cette remise en question, la prématernelle y a trouvé l'occasion de redéfinir ses valeurs et la nature de ses services après 30 ans d'opération au sein de la communauté du village. Cette année, la pré-maternelle affiche complet à la satisfaction de tous...Avoir vu grandir les enfants de Sutton depuis tant d'années et avoir observé la fidélité des familles bien avant l'arrivée des CPE avait tout de même construit la solidité de l'organisme tout comme plus de mille ans d'histoire avait donné à l'église les fondements pour traverser la crise de la contre réforme. 

vendredi 25 mars 2011

Portrait of Georg Gisze, Hans Holbein the Younger, 1532.

Le portrait de George Gisze, par Hans Holbein the Younger, outre le fait qu'il s'inscrive comme une nouvelle façon de mettre en scène le portrait, m'est apparue être un très bon coup de marketing de la part non pas du sujet, M.Gisze, mais plutôt de la part de l'artiste, Hans Holbein the Younger.

Le fait que ce jeune marchand soit dépeint en action, dans son lieu de travail, en train de faire certaines transactions, s'inscrit en rupture avec les portraits habituels de l'époque, oū l'on avait l'habitude de représenter le sujet dans une pose neutre, entouré d'un décors moins fonctionnel. Mis à part cette nouveauté, ce qui m'intéresse ici est la façon qu'a eu le peintre de se servir d'une oeuvre commandée comme d'une publicité subtile pour faire valoir ses talents et son sens de l'innovation. Avec la conscience que son client, le jeune Gisze, allait manifestement exposer et vanter ce nouveau portrait de lui devant ses collègues et condisciples marchands, le peintre aura eu la bonne idée d'y illustrer explicitement ses talents en peignant chaque textures de chaque objets avec une précision et un talent qui lui vaudraient non pas seulement la satisfaction de son client, mais aussi la possibilité accrue de recevoir les commandes de ceux à qui ce Gisze aura fièrement montré l'oeuvre. On peut voir sous ce portrait, une sorte de carte d'affaire discimulée, oū sont bien détaillé les talents du peintre.

Il y a quelques mois, j'ai travaillée sur la carte d'affaire d'une massothérapeute qui jouissait des suggestions d'un conseiller en marketing pour relancer ses affaires. Avec sa collaboration, nous en vîmes à produire une carte d'affaire qui se présentait plutôt comme une carte cadeau d'une valeur x, sur un premier massage avec cette thérapeute. Ces cartes, destinées, entre autre, à être remise à ses clients réguliers à l'intention de leur entourage, portaient, selon ce conseiller, non seulement le rôle de publicité comme toutes les cartes d'affaires, mais aussi l'avantage de faire parler ses clients du service reçu, avec en prime la joie d'offrir un "cadeau" à leur entourage. Créer un outil concret pour faire parler d'elle par une clientèle déjà gagnée, était donc l'astuce toute simple à laquelle on donna forme.

Moi la première, après avoir reçu un massage de cette enchanteresse, j'ai été ravie de distribuer ces "cartes-cadeau" autour de moi. Je me retrouvai comme ce jeune commerçant, dans le rôle d'un client satisfait d'un service rendu, qui vante les mérites du peintre, oeuvre à l'appui, ou..."carte-cadeau" à l'appui.

jeudi 10 mars 2011

À plusieurs époque de l'art, j'ai pu constater cette façon qu'on eu les artistes, ou peut-être plutôt les commissionnaires des ouvres réalisées, de mettre en scène des représentations de la vie du Christ entourées d’attributs qui correspondent d'avantage au milieu de vie des spectateurs à qui est destinée l'oeuvre, qu'aux attributs qu'on rattacherait normalement à la scène en question. Mon travail a dernièrement donné lieu à une situation qui m'a rappelée ce phénomène.

Robert Campin - L' Annonciation - 1425

Détail














Par exemple, dans cette version du 15e siècle de l'annonciation, on remarque facilement que le décors urbain qui sert d'arrière plan à Joseph est tout à fait typique de l'architecture flamande. L'artiste Robert Campin, peintre flamand, à inclus dans sa représentation de cette scène bien connue, des éléments de décors que les fidèles des Flandres pourraient reconnaître comme familiers, même si tous et chacun savaient bien que cette scène s'était déroulée 15 siècles plus tôt, aux alentours de Jérusalem. Un apôtre Mathieu présenté au peuple écossais en rouquin est un autre exemple déjà croisé, oū l'on a adapté certains détails de l'histoire selon le public auquel on s'adressait. Pourquoi pas si le résultat se traduit comme une meilleure affinité entre les fidèles et l'histoire sainte qui est illustrée précisément pour eux.

J'ai illustrée un livre l'été dernier, qui s'est vu publié à compte d'auteur. En collaboration avec mes clients et avec le graphiste, nous avions ensemble déterminé le style d'images à produire en lien avec le public "idéal" visé, et le ton du livre. Le résultat fut très intéressant, mais n'obtenu que très peu de succès. Les auteurs, déçues, décidèrent alors d'aller signer un contrat de distribution avec un éditeur spécialisé dans le domaine spécifique de la croissance personnelle, thème du livre en question. Ils ont alors vu l'éditeur remanier totalement le look, voire même le contenu de leur livre, afin lui faire prendre la forme, l'aspect et le ton de leur recette à succès...Un public cible déjà analysé de fond en comble, un marché de librairies bien décortiqué, une distribution planifiée et calculée. Cet éditeur savait quel chemin parcourrait ce livre s'il tombait sous sa tutelle, et le mit dans son moule bien à lui. Toute l'équipe de départ a été bien décontenancée du nouveau look de leur bébé, mais la nouvelle aventure va bon train...

Selon leurs destinations et l'usage qui en sera fait, certaines "histoires" ont donc avantage à se parer de couleurs conséquentes. 

mardi 8 mars 2011

Je poursuivrais sur cet intérêt qu'ont eu les italiens du 14-15e siècle à faire ressortir de leurs oeuvres le caractère humain. À mettre au premier plan comment les êtres se sentaient. J'y sens un parallèle avec la direction qu'à pris mon parcours professionnel depuis mes premiers emplois, jusqu'à aujourd'hui.

Masaccio, Adam et Eve chassés du paradis terrestre. 1424-28, détail. 
Dans cette scène sainte par exemple, on constate facilement l'attention mis les sentiments des personnages. Au coeur de l'histoire présentée, on les représente en tenant compte de leurs émotions, en en faisant ressortir l'intensité pour arriver à ce que le spectateur puisse se relier aux personnages, et comprendre ce qu'ils vivent comme s'il était à leur place. On peut y voir une excellente façon de toucher et gagner la foi du peuple, mais aussi une nouvelle façon beaucoup plus humaine, de concevoir les choses, de pratiquer l'art, qui soulève d'avantage notre essence profonde, l'émotion étant le propre de la race humaine. Plutôt que de seulement enseigner l'histoire sainte par des images didactiques qui utilisent symboles et hiérarchie, ces mêmes ouvres didactiques commencent ici à intégrer l'émotion, la perspective et la réalité "humaine" que portent ces scènes, ce qui ajoute définitivement à la compréhension des oeuvres et à la façon dont on interagi avec elles en tant que regardeur, ou en tant que fidèle.

À 19ans, j'étais déjà travailleuse autonome. Mais durant mes premières années sur le marché du travail, j'ai aussi occupée des postes à temps plein, dans le même domaine de la présentation visuelle, dans diverses entreprises, petites et grandes. Lors que j'étais au compte d'une entreprise, l'absence d'espace pour mon essence personnelle et la saveur desséchée des rapports humains que je trouvais me décourageaient toujours de demeurer plus de quelques mois au même endroit. Par contre, quand je prenais des clients à mon compte, mes valeurs et mes aspirations devenaient centrales dans le choix des projets et dans la mise en oeuvre du travail. La place que je pouvais donner à ma couleur personnelle, à mes choix et à tout le reste de ma vie au travers du travail, m'apportait beaucoup d'enthousiasme. En trouvant autant d'espace dans mon travail pour ce que j'étais vraiment, je me suis naturellement beaucoup plus identifiée à ce modèle de travailleur autonome, qu'à la vie d'employée.

Comme un fidèle devant un tableau humaniste, je découvrais beaucoup plus d'espace pour ma nature en évoluant comme travailleur autonome. Et comme les humanistes et autres artistes de la Renaissance qui baignaient dans une effervescence intellectuelle, la nature et la souplesse de mon travail permet, et même nécessite, une constante évolution de mes intérêts et connaissances, ce qui ne m'apparaît pas toujours être le cas de la tâche des employés que je côtoie.

lundi 14 février 2011

Est-ce que toutes les grandes nouveautés qui ont marquées l'histoire peuvent être d'une façon ou d'une autre comparées à l'arrivée d'internet dans notre réalité du 21e siècle? Plusieurs j'imagine. L'évolution de l'espace picturale au début de la Renaissance en est un.

Si internet est une interface entre un être et un monde à découvrir, l'art religieux en est un autre comparable, entre l'être et le monde divin. Dans le cas de l'art du début de la Renaissance, on voitune ouverture du plan dans lequel on représentait les scènes. Dans le cas d'internet, il est question d'une ouverture à même le médium informatique.

"The birth ou Mary" Pietro Lorenzetti. 1342.
L'exemple de "La naissance de Marie" de Pietro Lorenzetti nous montre un triptyque. Plutôt que de se présenter comme 3 petites scènes isolées, cette oeuvre déploie un même espace sur les trois parties qui la composent. Cette représentation nouvelle d'un espace, en opposition aux images du Moyen Âge oū une scène s'illustrait toujours complètement dans un même plan pictural, représente un changement considérable. Cette nouvelle continuité de l'espace, nous permettant de nous projeter dans l'espace, d'évoluer dans le tableau comme dans une pièce que l'on visite, offre à l'observateur une nouvelle façon de dialoguer avec l'ouvre. L'observateur n'est plus totalement extérieur à l'oeuvre. Il trouve par exemple dans cet image très domestique de la naissance de Marie, un écho à son monde réel, ou il peut en plus avoir sa place.

Avec l'apparition d'internet, l'espace informatique n'est plus seulement défini par les limites physiques de l'ordinateur qu'on a devant soi, mais se déploie en un univers virtuel qui nous mène aux quatre coins du monde et nous offre la possibilité d'y intervenir, d'y interagir, de s'y manifester. L'informatique n'est plus seulement un outil, mais un espace de communication modulable. Le médium informatique s'est vu déployé en un espace de communication oū chacun peut se projeter et évoluer virtuellement. Notre ouverture sur le monde, notre conception de celui-ci s'en trouve transformée, alimentée, et beaucoup plus "connectée" si j'ose dire.

Dans le cas de l'observateur de la Renaissance, celui-ci se voyait offrir une nouvelle façon de se lier à une scène sainte. Avec la présence d'internet, on dispose d'une nouvelle façon de se lier aux autres et au monde. Deux exemples d'une ouverture à même l'interface, qui provoque de nouvelle façon de concevoir l'univers convoité.

vendredi 4 février 2011

Je suis en train de lire le texte reçu en classe qui décrit la relation humaine qu'on eut Toscanelli, intellectuel, et Brunelleschi, architecte. Toujours intéressant de voir comment deux être ont joint leur connaissances et leur passions pour mener à bien leur projets et sans trop s'en rendre comte, faire avancer leur temps. Inspirant.

Je survole leur intérêt pour l'optique, l'oeil, la perspective, et j'ai l'impression tout à coup de comprendre comment les découvertes de l'époque à ce sujet ont pu modifier la vision du monde qu'avaient les gens. Je le réalise simplement en me souvenant de mes propres premiers contacts avec les notions d'optique et de perspective.

Marie Bilodeau J. 
Dessin d'observation. Intérieur d'une tour.
Mon intérêt de toujours pour le dessin s'est trouvé insufflé de nouvelles possibilités lors que j'ai appris au fil des années et des cours, les différentes règles de la perspective. Par des notions géométriques simples, puis de plus en plus complexes, j'ai pu me mettre à dessiner des éléments et des espaces de plus en plus habilement. Au fur et à mesure que j'apprenais à appliquer ces règles aux formes que je dessinaient, mon oeil apprenait lui aussi à reconnaître autour de moi, l'application de ces règle à toutes images qui me parvenaient. Cette validations m'a permis avec le temps de dessiner par simple observation, en référant aux règles apprise de façon maintenant beaucoup plus instinctives que systématiques. Ces théories, qui me sont arrivées ayant déjà été observés, réfléchis, peaufinées et vérifiées par d'autres, avaient déjà marquées la conception du monde que les gens ont depuis des centaines d'années. Elles sont aussi traduites dans les images bidimensionnelles qui m'entourent depuis ma naissance.



Il n'en était pas de même pour Toscanelli et Brunelleschi ainsi que pour leur contemporains. Les images qui les entouraient, reflétant la conception collective qu'on avait de la bidimensionnalité à l'époque, n'affichaient aucune représentation de ces effets optiques qu'ils observaient peu à peu, en s'outillant de nouvelles inventions (le miroir par exemple) et de nouvelle réflexions qu'il partageaient avec les intellectuels des communautés qui les entouraient. Chaque nouvelles observations étaient à vérifier et à débattre. Les premiers à jeter un oeil aux élévations en 3 dimensions d'édifices à construire, devaient être drôlement dérouté alors que leur conception de la bidimesionnalité n'avait jamais contenu cette représentation de la 3e dimension! En fait j'ai un peu de mal à figurer leurs dispositions mentales de l'époque, de façon normale j'imagine.



Gravure de Durër
Je m'imagine par contre la tâche considérable et l'effort intellectuel que devait représenter la mise en place de ces notions de base, et toute l'exploration préalable. J'imagine aussi leur enthousiasme extrême à voir ces nouveaux outils leur ouvrir des portes et leur permettre des applications totalement inédites à leurs métiers ou disciplines. J'entrevois ici tout le déploiement qui s'en suivra dans le domaine de la peinture et des arts. Quelle bouffée d'air frais ce devait être!

mardi 1 février 2011

La semaine dernière, mon fils de 8 ans était malade et a passé une journée à la maison avec moi. Pour l'occuper pendant que je travaillais, je lui ai sorti un dictionnaire illustré pour enfant, que je gardais en réserve pour ce type d'occasion. L'atelier est demeuré silencieux une bonne heure...

À un moment, il est venu me trouver, absorbé par ses découvertes. "Maman, savais-tu qu'on pouvait peindre sur de la peau d'animaux". Il déploya sous mes yeux son livre oū était illustrée l'histoire du papier en plusieurs pages dépliantes. J'avais justement devant moi mon cahier de notes d'histoire, oū figuraient les méthodes des préparations de surfaces de la Renaissance, vu quelques jours plus tôt. Je me réjouissais. J'avais l'occasion, par un beau mercredi matin, d'échanger avec mon fils de 8 ans sur les différentes époques du papier, les surfaces à peindre, les médiums, et de constater avec lui qu'on avait des intérêts communs. Nous avons donc parlé des papyrus et des souvenirs que grand-maman à rapporté d'Égypte, de la tempéra et de sa gouache à lui, des panneaux de bois enduit de colle de peau de lapin et de craie et des lapins qu'on a abattu nous même l'automne dernier, du vélin et de mes toiles de tissus à moi, etc.

Il m'arrive parfois de partager spontanément avec mes enfants certaines notions ou certains faits historiques vu en cours, mais que l'occasion vienne par l'un d'eux m'a ravi!

lundi 31 janvier 2011

Je gagne ma vie comme illustratrice. Mon métier est de créer des images qui répondent à la demande d'un client. Les années passent et je me demande souvent si je ne devrais pas prendre un agent pour me représenter. En observant le rôle nouveau que la Vierge Marie s'est vu donné par l'église catholique à la fin du Moyen Âge, j'ai vu certaines similarités avec la relation artiste-agent à laquelle je réfléchis. Ces relations m'ont fait sourire parce qu'elles me mènent à occuper la même place que le Christ au sein de la comparaison.

La Madone Rucellai, par Duccio 1285 
À partir du 11-12e siècle, l'église commence à donner une nouvelle place à la Vierge Marie. Je comparerais son rôle tout à coup beaucoup plus actif au rôle qu'à un agent dans la vie professionnelle d'un artiste, dans mon cas, d'une illustratrice. Même si la requête d'un fidèle s'adresse au Christ, tout à coup on se met à passer par la Sainte Vierge pour s'adresser à lui. Le rôle d'intermédiaire active qu'a Marie est donc comparable au rôle de mon (éventuel) agent. La demande d'un client s'adresse toujours à moi, l'illustratrice, par le biais de ce médiateur qui assume les négociations et filtre les échanges entre le client et moi. C'est donc en souriant que je me vois ici occuper le même rôle que Jésus, voire même que Dieu, soit celui de la mise en oeuvre d'une demande ou de la création!

Une autre relation qui s'illustre ici est celle de la présentation/représentation. Si la Vierge à l'enfant, dans ses représentations picturales, présente son fils à l'observateur comme l'objet de sa dévotion et même de sa raison d'être, l'agent à aussi le rôle de représenter aux clients potentiels un artiste dont il est le promoteur et sans qui son métier n'aurait de raison d'être. L'un comme l'autre à ici le rôle de faire briller la valeur de celui/celle qu'il présente/représente.

Le fait que la structure politique médiévale construite autour de la royauté ait prêtée l'image du trône, de la couronne ou de d'autres attributs royaux à la Vierge Marie et au Christ dans plusieurs représentations de ceux-ci, montre comment on a utilisé des concepts connus de l'époque pour illustrer l'ultime statut prestigieux de ces personnages. Pour faire écho à cette transposition, on pourrait soulever la conception de l'agent comme un promoteur purement mercantile, qui s'est mutée avec les années en un représentant des droits de l'artiste, qui soulage ce dernier du poids du démarchage et des négociations. En tant qu'artiste, voir l'agent sous cet angle permet de s'en faire une image plus sympathique, avec laquelle on a plus d'affinité qu'avec celle de l'escroqueur gourmand qu'est parfois encore l'agent.

Bien qu'il soit drôlement réducteur de comparer la Vierge Marie à un agent de liaison, qui plus est commercial, cela m'amuse et me réconforte d'imaginer ce roi de la business devenir pour moi l'homologue de la Queen of heaven pour d'autres.